L’historienne Malika Rahal : « La France n’a jamais fait son tournant anticolonialiste »

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Soixante après la fin de la guerre d’indépendance, les fantômes de l’Algérie française continuent de hanter la France. En témoignent les trois jours de « nostalgérie » organisés par l’extrême droite à Perpignan le week-end dernier. En témoigne aussi le discours applaudi, cette semaine à l’Assemblée nationale, du doyen de l’hémicycle José Gonzalez, un pied-noir élu du Rassemblement nationwide, regrettant d’avoir été « arraché à sa terre »  et célébrant l’OAS terroriste et raciste.

Rien de surprenant pour l’historienne Malika Rahal, chargée de recherche au CNRS et spécialiste de l’histoire contemporaine de l’Algérie : « La France n’a jamais fait son tournant anticolonialiste. C’est tout là le problème. » Entretien avec celle qui a publié cette année une enquête historique remarquable et passionnante : Algérie 1962. Une histoire populaire (La Découverte, 2022).

En 2022, la France reste-t-elle incapable de regarder en face son passé colonial ? 

Malika Rahal : Il n’y a pas de consensus sur la query coloniale comme il y a un consensus sur le fascisme ou l’esclavage. Dans ces domaines, il peut y avoir des voix discordantes mais où l’on est collectivement d’accord sur la condamnation.

La politique actuelle « des petits pas » développée par le président français masque mal l’absence d’une condamnation claire du colonialisme. Plus que cela, par la répétition des discussions autour de chaque geste accompli par Emmanuel Macron, elle « fatigue » la query coloniale, lui fait perdre de son feu. Elle fait passer ceux qui exigent un rejet internet de la colonisation et de l’impérialisme pour de perpétuels insatisfaits qui ne sauraient pas accepter de bonne grâce les (petits) efforts de l’État français.

Mais la query coloniale n’est pas décorative. C’est une query de fond qui devrait interroger le regard des anciens pays colonisateurs non pas seulement sur le passé mais également sur le présent et sur l’avenir. La condamnation claire de l’impérialisme doit avoir des conséquences sur la définition des politiques étrangères d’aujourd’hui, et même sur les relations avec les départements et les territoires d’outre-mer.

Enfin, elle camoufle mal que la scène politique française actuelle est née d’un monde colonial. Le Entrance nationwide est un héritier de la lutte contre les indépendances. Et parmi les petits pas du président Macron, la reconnaissance du « bloodbath de la rue d’Isly » a révélé qu’il était encore unattainable de nommer de façon claire les crimes de l’Organisation armée secrète.

Que José Gonzalez, président d’un jour de l’Assemblée nationale et député RN, ait, devant des journalistes, fait mine d’ignorer les crimes de l’OAS rappelle précisément quel est l’ADN de son parti, au second où celui-ci normalise sa place dans la vie politique.

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